Le Projet de Charte proprement dit, s’appuie sur 3 ambitions qui sont décrites à partir de la page 66: «Agir collectivement face aux bouleversements climatiques, Gérer de manière concertée nos bien communs,» et «Viser un développement équilibré des territoires» et propose 11 orientations déclinées en 36 mesures.
A chaque mesure, sont précisés les objectifs, les dispositions correspondantes, la répartition des rôles, les engagements des signataires de la charte et des partenaires ainsi que les indicateurs correspondants.
Notre analyse de cet ensemble a porté sur la synthèse des 11 orientations et ce, en parallèle avec l’Annexe 6 qui fait le point des engagements de différents partenaires dont l’État.
De très nombreux éléments sont évoqués selon ces thèmes. On peut même dire que toutes les cases sont cochées et que tout le «vocabulaire adapté» est repris. Mais on peut s’interroger sur la réelle capacité qui sera mise en œuvre par le Parc pour s’engager sur tous les axes présentés :
Extraits:
- impulser une dynamique régionale et contribuer à l’animation des réseaux thématiques inter-Parcs,
- évaluation de l’impact carbone de ses politiques publiques,
- mise en œuvre du Plan Climat régional en lien avec les actions du Parc,
- soutien à l’expérimentation de démarches d’anticipation du changement climatique et d’évaluation de l’impact carbone des collectivités et des acteurs des filières économiques stratégiques,
- participation à l’essor du co-voiturage et des mobilités douces,
- soutien aux expérimentations de solutions innovantes de transport alternatif à la voiture individuelle,
- un urbanisme des courtes distances » et la réhabilitation des centres bourgs,
- la réhabilitation de l’usage du vélo,
- partager une culture commune et une gestion concertée de l’eau à l’échelle des bassins versants,
- restaurer, atteindre et garantir une bonne qualité de l’eau et des milieux aquatiques,
- préserver les cours d’eau, ripisylves et forêts alluviales, espaces de bon fonctionnement, zones humides, nappes alluviales notamment en intégrant un zonage adapté dans les documents de planification, permettant les opérations de restauration et de gestion de ces milieux,
- préserver les réservoirs biologiques et renforcer leur rôle à l’échelle des bassins versants,
- lutter contre l’imperméabilisation des sols et les pollutions liées au lessivage par les eaux pluviales,
- rendre compatibles les politiques et projets d’aménagement du territoire avec la disponibilité de la ressource mobilisable et la bonne fonctionnalité des milieux aquatiques,
- intégrer les enjeux de la trame verte et bleue (TVB) du Parc dans les documents de planification,
- proscrire dans les documents d’urbanisme les plantations d’essences exotiques envahissantes,
- identifier les espaces de fonctionnalité,
- éviter toute nouvelle artificialisation des sols,
- prévenir les risques de nuisances liés aux activités motorisées dans les espaces naturels,
- améliorer les connaissances pour guider les choix de gestion forestière dans le contexte de changement climatique,
- sensibiliser à la fragilité du patrimoine bâti et des sites archéologiques et favoriser leur préservation ou leur restauration,
- confirmer la vocation naturelle et/ou agricole des paysages remarquables,
- tendre vers une consommation nulle des espaces agricoles,
- veiller à la qualité architecturale, environnementale et paysagère des constructions,
- réduire la consommation foncière au travers des documents d’urbanisme en privilégiant le renouvellement urbain
- prioriser la densification et le renouvellement des zones d’activités existantes
- veiller au maintien de la qualité des paysages perçus depuis les points hauts,
- garantir l’intégration paysagère et environnementale des équipements de production d’énergie renouvelable,
- accompagner les projets d’implantation d’infrastructures pour en réduire les impacts paysagers,
- traiter qualitativement les espaces publics ou requalifier les espaces publics dégradés,
- prévoir des formes de développement adaptées à l’éco-tourisme et l’agri-tourisme en milieu rural,
- pérenniser l’accès au foncier pastoral au travers de la planification urbaine,
- requalifier les entrées de villes et villages,
- intensifier la place du végétal dans les espaces urbains,
- ne pas implanter de nouvelles carrières dans les espaces remarquables et sensibles…
Au regard de ce qui figure dans le Préambule de la Charte page 3: « Les changements climatiques et sociaux en cours ont et auront des répercussions importantes sur nos modes de vie, notre environnement et notre rapport à la nature… les bouleversements à venir viennent questionner cet équilibre précaire et nous obligent à anticiper l’avenir….la période des 2 décennies qui s’ouvre est décisive pour pouvoir réagir….. », nous pensons que les propositions retenues par le Parc pour ce qui concerne les 2 grands thèmes majeurs que sont l’adaptation à l’évolution climatique et la gestion touristique ne sont pas à la hauteur des enjeux.
En ce qui concerne le climat, nous sommes étonnés qu’aucune prescription afin de prévenir les incendies, notamment sur le plan de Canjuers, ne soit proposée.
Pourtant l’incendie du 18 juin 2022 qui a brûlé 1800 hectares n’est pas la seule que nous ayons connu sur le camp militaire :
* en mars 2012 : 1,5 ha détruits
* le 8 Août 2008, 150 ha brûlés ;
* fin juillet 2007 un incendie a ravagé 400 ha de végétation ;
* le 12 septembre 2004, 10 ha de pinède partent en fumée ;
* le 16 septembre 2000, 30 ha de végétaux sont carbonisés ;
* le 9 septembre 1988 , 70 ha de végétation disparaissent ;
* en août 1985 : 3000 ha détruits dont une grande partie sur la commune d’Aiguines ;
* le 3 septembre 1982 : un désobusage qui tourne mal et l’incendie, concernant 1500 ha dure 3 jours et 2 nuits.
Et cette liste n’est pas exhaustive !! En 40 ans, avec ce dernier incendie, il y a eu 10 incendies qui ont entraîné la destruction de 6961,5 hectares ! Et pour 2022, 90 départs de feu ont été recensés!
Aussi, la Charte aurait dû préconiser l’interdiction des tirs, la plupart du temps à l’origine de ces feux, pendant toute la période estivale.
En ce qui concerne la gestion touristique, on peut rappeler que sur le territoire du parc on compte 4,6 millions de visiteurs/an , dont la quasi-totalité en période estivale où l’on dénombre des pointes de 80 000 personnes/ jour, ce qui correspond à une activité touristique importante pour ce territoire ; on parle de 5,3 millions de nuitées, 3000 emplois, 286 prestataires d’activités sportives, 330 millions d’euros de retombées économiques.
Si une partie de ce territoire est concerné par une fréquentation diffuse durant la période estivale, il n’en est pas de même pour certains secteurs.
Pour les Gorges du Verdon, il est fait état d’une fréquentation d’un million de personnes/an, des pointes estivales de 759 randonneurs/ jour sur les sentiers Blanc-Martel, 925 sur le Sentier des Pêcheurs, 1000 dans le cadre des randonnées aquatiques … et combien au bord des lacs !!
Cet afflux massif génère de nombreux problèmes (tourisme anarchique, invasif, sur-fréquentation, comportements agressifs, dégradation des milieux naturels, accidents mortels, risque d’incendies).
Au-delà des incantations, – (page 67 de la Charte:«…la nécessité de créer les conditions d’un changement de modèle pour anticiper les effets du changement climatique,….les changements comportementaux dans la gestion des ressources»!!!)- nous considérons que le projet de Charte présenté, manque d’ambition et de réels outils opérationnels pour réaliser les actions envisagées.
Mais tout ceci n’est-ce pas logique quand on peut lire page 35 de la Charte :
«La charte ne peut contenir d’interdiction absolue, qu’elle ne peut pas prévoir de règles de procédure autres que celles prévues par la législation en vigueur, mais qu’elle peut engager ses signataires à utiliser les outils et dispositions réglementaires à la disposition»…
De fait, à la lecture de l’Annexe 6 (Engagements de différents partenaires) on comprend que le Parc ambitionne plutôt un rôle de « coordinateur » des différentes actions, sous réserve qu’elles soient réellement engagées.
Par exemple, pour la dernière ambition qui nous intéresse plus particulièrement: 11) Rechercher l’équilibre entre économie touristique, vie locale et respect des patrimoines, on trouve des engagements importants, mais qui sont surtout portés par d’autres partenaires notamment les services de l’État:
– Mettre en place et contrôler les réglementations visant à encadrer les usages, les activités et la préservation des espèces et milieux,
– Mobiliser les services de police de l’environnement, dans le cadre des plans de contrôles départementaux définis en MISEN, notamment ceux concernant l’encadrement des usages, des activités de sports de nature, ou encore la préservation des espèces et des habitats naturels
– Mettre à disposition les ressources du Pôle ressource des sports nature ; au travers de ces liens aux fédérations sportives facilite la concertation pour équilibrer les pratiques vis-à-vis de la fragilité des sites et faire évoluer les formations et les diplômes de guides et accompagnateurs,
Or, à ce sujet, nous constatons que les services de l’État ne font aucun effort véritable pour contrôler et protéger les sites, que ce soit dans le grand canyon, au débouché du lac de Sainte-Croix (pont du Galeta) ou face à l’envahissement des rives de ce lac par des installations sauvages (camping-cars notamment) . Aussi, dans la mesure où ces services se contentent seulement de « publier » des réglementations non contrôlées, il devrait appartenir au Parc, notamment pendant la saison estivale, de constater toutes les infractions par l’intermédiaire de ses éco-gardes saisonniers animés par leurs trois chefs de secteurs.
De plus, au-delà de l’attitude trop laxiste des services de l’État en ce qui concerne l’application de la réglementation préfectorale, celle-ci reste cependant insuffisante et nous aurions aimé que le projet de Charte propose des améliorations.
D’ailleurs, l’autorité environnementale, qui dépend du Ministère chargé de l’environnement, s’est elle aussi émue de l’insuffisance des mesures de protection et de contrôle en donnant un avis défavorable au renouvellement de la Charte rédigée par le Parc Régional du Verdon.
Ainsi pour les randonnées aquatiques au couloir Samson qui, officiellement, sont limitées à 10 personnes au maximum (encadrant compris) toutes les dix minutes, entre 9h et 17h, soit 480 personnes/jour, on a pu en décompter plus de 1000 personnes dans la journée, (certains parlent même du double!!) et pour lesquelles la sous-préfecture a accordé, l’an dernier, la possibilité de pratiquer tous les jours des randonnées aquatiques dans le lit de la rivière, à un débit inférieur à 1,5m3/sec nous souhaitons que le Parc appuie la demande suivante de modification des termes de l’arrêté préfectoral du 8 juillet 2014 régissant la pratique de la randonnée aquatique au couloir Samson :
* article 2 : en cas d’un débit du Verdon inférieur à 1,5 m3/sec délivré au barrage de Chaudanne, toute randonnée aquatique sera interdite ;
* article 3-3 : un intervalle de temps de 15 minutes entre chaque départ de groupe sera observé…
Nous demandons aussi que, en attente de la modification de l’arrêté inter-préfectoral du 15 novembre 2012 portant protection du biotope de l’Apron, poisson endémique inscrit sur la liste rouge mondiale de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature et protégé sur le territoire national, toute remontée d’embarcation soit interdite à l’amont du pont du Galetas, à la sortie aval des gorges et que les services du Parc mettent en place des barrages flottants pour endiguer toute éventualité.
En parallèle, nous insistons à nouveau pour que le Parc Régional du Verdon prenne toutes dispositions pour effectuer des contrôles réguliers et inopinés pour l’application des diverses réglementations de protection, premier pas pour endiguer la surfréquentation touristique destructrice.
Ce n’est qu’avec une régulation forte contre la surfréquentation destructive de nos magnifiques espaces naturels que nous pourrons alors accompagner le Parc dans sa démarche Grand Site de France qui consacrerait véritablement les Gorges du Verdon au rang de patrimoine national et renforcerait la dimension espace protégé et non pas, comme se serait le cas actuellement, d’avoir un label pour attirer toujours plus de touristes avec les conséquences néfastes pour le milieu naturel.
Courrir adressé au commissaire Enquêteur le 30/06/2023